Le Conseil d’État, saisi d’une demande d’avis par la cour administrative d’appel (CAA) de Douai en mars 20231, a déclaré partiellement non conforme à la directive TVA le régime applicable aux prestations de parahôtellerie fournies dans des conditions proches de l’hôtellerie.
Dans ce contexte, la pertinence des critères légaux caractérisant les activités parahôtelières assujetties à la TVA semble être remise en cause.
Ce qui impacterait les investisseurs.
Parahôtellerie, de l’importance d’un encadrement légal
Une définition des activités parahôtelières…
La notion fiscale de location parahôtelière recouvre toutes les formes de mise à disposition d’un local meublé, effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes :
- Fourniture d’un petit-déjeuner
- Nettoyage régulier des locaux
- Fourniture de linge de maison
- Réception (même non personnalisée) de la clientèle
Ces prestations doivent être exécutées dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.
… assortie d’un cadre d’assujettissement à la TVA
Si, par principe, les activités de location meublée ne sont pas soumises à TVA, il en va autrement lorsqu’elles font concurrence au secteur hôtelier (conformément à une directive européenne).
En France, c’est ainsi que l’assujettissement à TVA des prestations parahôtelières est conditionné à la fourniture, dans des conditions similaires aux établissements hôteliers exploités de manière professionnelle, de 3 des 4 prestations de services présentées ci-avant et visées par l’article 261 D, 4° b du CGI2.
La France a défini son régime en se référant aux seuls services rendus, sans prise en compte de la durée du séjour.
Ce faisant, lorsqu’elle est taxable, la prestation parahôtelière est soumise à TVA au taux de 10% comme toute prestation hôtelière. Son assujettissement ouvre corrélativement au prestataire un droit à déduction de la taxe grevant les dépenses qu’il supporte pour la réalisation de cette activité.
Dans ce régime, l’intérêt est tout trouvé pour un investisseur.
Et l’encadrement légal semblait totalement maîtrisé.
Annonce d’une évolution jurisprudentielle à venir ?
Le sursis à trancher de la cour administrative d’appel de Douai
La CAA de Douai devait se prononcer sur la situation d’un contribuable ayant acquis un logement pour le louer en meublé de tourisme avec fourniture de services parahôteliers via un exploitant et revendiquant sa qualité d’assujetti.
Ce dernier arguait du fait que les dispositions du CGI étaient contraires à la directive TVA, argumentaire qui a décidé la CAA à surseoir à statuer afin que le Conseil d’État se prononce sur les deux interrogations posées par le contribuable :
- Est-ce que la condition tenant à la fourniture d’au moins 3 des 4 prestations parahôtelières est conforme aux dispositions de la directive TVA ?
- Dans le cas d’une réponse négative à la précédente question, est-il possible de fournir seulement une ou deux des prestations pour échapper à l’exclusion d’assujettissement à la TVA ?
Saisine du Conseil d’État : quid de l’avis rendu ?
Le Conseil d’État a considéré, qu’en application des dispositions de la directive européenne, les critères qu’il appartient aux Etats membres de fixer doivent « garantir que ne soient exonérés du paiement de cette taxe que des assujettis dont l’activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles des entreprises hôtelières avec lesquelles ils ne se trouvent pas en situation de concurrence potentielle ».
En conséquence, le Conseil d’État a jugé3 que le régime applicable en France est partiellement incompatible avec les objectifs de l’article 135 de la directive TVA :
- Dès lors qu’il subordonne la taxation des prestations parahôtelières au respect de trois critères sur les quatre énumérés par la loi alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n’apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier.
- Mais il est en revanche compatible dès lors qu’il exclut de l’exonération de TVA les activités qui se trouvent en concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
Depuis un certain temps, le législateur estime que la loi française est incompatible au droit communautaire en matière de prestations parahôtelières.
Antérieurement, c’est le tribunal administratif de Grenoble4 qui a jugé que la liste des services, malgré une exigence réduite à trois sur quatre services, limite toujours excessivement le champ de la taxation à la TVA des opérations d’hébergement temporaire.
Il est possible que ce nouvel avis du Conseil d’État mette en exergue la nécessité d’une révision profonde des critères de la parahôtellerie du point de vue de la TVA.
Quelle suite pour les investisseurs ?
A l’heure d’aujourd’hui, les conclusions de la cour administrative de Douai sont attendues. Celles-ci devraient permettre d’obtenir les indices l’ayant amenée à rendre ses analyses.
Toutefois, il convient d’évaluer dès à présent les changements au regard de la TVA. Pour cela, toutes les conditions dans lesquelles les prestations sont offertes méritent d’être examinées à titre d’indices.
Et la concurrence effective en fait partie5.
Sources bibliographiques
1 Demande n°22DA01547 du 2 mars 2023
2 Consultez l’article 261 D, 4° b du CGI
3 Consultez l’avis du Conseil d’État n°471877 du 5 juillet 2023
4 Décision n°1908305, 2000291, 2001029 du 14/10/2022
5 Pour être exact, la directive TVA européenne prend en compte deux éléments complémentaires à ceux fixés par le législateur français : la durée de location et la mise en concurrence.
Face à l’insécurité juridique naissante soulevée par l’avis du CE, le gouvernement a proposé un amendement dans le cadre de la loi de finances 2024.
À l’occasion de cet amendement, une distinction serait clarifiée entre :
– Le secteur hôtelier ou les secteurs ayant une fonction similaire, et,
– Les locations de logements meublés à usage résidentiel.
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