C’est officiel, la facturation électronique fera son entrée dans les entreprises françaises d’ci le 1er décembre 20271.
Cette sécurisation majeure dans la facturation et la collecte de TVA ravive une obligation fiscale que bon nombre d’entrepreneurs oublient : la piste d’audit fiable, ou PAF.
Au-delà de l’obligation [qui incombe pourtant chaque société depuis 2013], la PAF est une opportunité dans l’analyse, la vérification et la refonte de votre contrôle interne. Qui plus est, la PAF perdurera2 post-déploiement de la facturation électronique, et ce malgré le fait que l’essence de son champ de contrôle disparaitra : il est donc nécessaire de rester en conformité.
Abordons ensemble les grandes lignes de ce chantier prioritaire et l’accompagnement pragmatique de Kauméa à son propos.
1. PAF, quèsaco ?
La définition dans les textes
La PAF3 est un processus documenté qui consiste à contrôler le cycle de facturation d’une entreprise. Elle se traduit par la mise en place de contrôles internes afin de s’assurer de l’authenticité des factures et du processus de facturation.
Tous ces contrôles documentés et permanents [constituant le socle de la piste d’audit fiable] permet à l’entreprise de s’assurer du respect de trois principes fondamentaux4 :
- Lisibilité : S’assurer que les factures puissent être lues et interprétées sans difficulté, notamment par les vérificateurs fiscaux. Dans le cas d’échanges informatisés, les données doivent pouvoir être restituées de manière intelligible.
- Intégrité : S’assurer que les factures ne seront pas altérées et qu’elles ne soient pas falsifiées ou illisibles par exemple.
- Authenticité : Garantir l’identité du fournisseur ou de l’émetteur de la facture, notamment grâce à des référentiels et vérifications (n° TVA, Kbis, etc.).
Une obligation fiscale contrôlable dans le cadre du CEPAF
Lors des contrôles fiscaux, l’administration fiscale réclame de manière de plus en plus systématique aux contribuables vérifiés la documentation de piste d’audit fiable et mène de nouveaux contrôles visant à justifier la matérialité et l’effectivité de chacun des contrôles internes/TVA au sein des organisations.
Dans tous les cas, l’administration fiscale s’attache à vérifier le cycle de vie d’une transaction, contrôler l’absence de fraude et s’assurer de la réalité comptable des oéprations.
Ces mêmes contrôles peuvent s’appliquer également aux factures reçues.
N'oubliez pas que lors de n'importe quel contrôle fiscal, votre documentation PAF peut vous être demandée.
A ce titre, lors d’un contrôle, la documentation PAF doit permettre au vérificateur :
- de reconstituer de manière chronologique l’intégralité du processus de facturation suivi par l’entreprise ;
- de garantir que la facture qui a été émise ou reçue reflète en tout point l’opération (livraison de biens ou prestation de services) qui a été réalisée ;
- de justifier toute opération réalisée en faisant un rapprochement entre toutes les pièces justificatives s’y rapportant (devis, bons de commande, bons de livraison, factures, etc.).
2. Une obligation vraiment pour tous ?
De la facture papier à la facturation électronique
Depuis 2013, les sociétés peuvent émettre ou recevoir des factures papier ou sous forme électronique en recourant à toute solution technique (autre que l’EDI fiscal ou la signature électronique qualifiée).
Dès lors que les factures respectent les trois principaux fondamentaux présentés ci-avant (article 289 VII du CGI) et qu’une PAF est établie entre la facture émise ou reçue et la livraison de l’objet de la vente, la conformité légale est assurée.
Avec l’obligation de la facturation électronique sous format sécurisé à l’horizon 2027 pour l’ensemble des entreprises, la PAF devrait disparaitre du fait d’une traçabilité immédiate des flux.
Pour autant, cela ne sera pas le cas et il faudra tout de même s’atteler à rédiger une documentation complète sur les circuits de facturation.
L’idée générale à retenir est que chaque entreprise doit être en mesure de maitriser son système d’émission, de transmission et de réception des factures, mais aussi de vérifier :
- que les données relatives à la facture sont complètes et exactes et qu’elles n’ont pas été modifiées ;
- que la facture a été adressée à la bonne personne, au moment requis ;
- que les mentions obligatoires sont bien présentes sur la facture.
Un formalisme différent suivant la taille de l’entreprise
Même si tous les types d’entreprises sont concernés par la PAF, les obligations en matière de documentation ne sont pas les mêmes selon la taille de l’entreprise.
En effet, c’est à l’entreprise de déterminer, en fonction de sa taille, de la nature de son activité, de ses systèmes d’information et de la volumétrie des factures émises et reçues, le niveau adéquat de contrôle nécessaire à la PAF.
Dans une TPE, une comparaison manuelle des factures avec les documents commerciaux (devis, bons de commande, bons de livraison, justificatifs de paiement, etc.) peut constituer un contrôle suffisant de la piste d’audit fiable. Auprès de l’administration fiscale, l’explication orale du processus est suffisante.
Dans les PME, une documentation écrite synthétique est obligatoire.
Dans les grands groupes, il faudra rédiger une documentation écrite détaillée.
3. Et pour quels enjeux dans les entreprises ?
Selon nous, chaque entreprise doit se poser 5 questions vis-à-vis des enjeux soulevés par la PAF :
- Est-ce que j’ai réajusté mon contrôle interne il y a moins de deux ans ?
- Est-ce que mes contrôles internes de TVA sont efficients et complets ?
- Est-ce que je dispose d’une documentation PAF (orale ou écrite) conforme ?
- Quels sont les risques de non conformité ou de défaillance identifiés à date ?
- Suis-je prêt en cas de contrôle fiscal ?
A chacune de ces questions, la documentation PAF vous apportera une réponse.
Pourquoi ?
Car réfléchir à sa piste d’audit, c’est justifier le niveau de sécurité et de contrôle de vos processus de gestion principaux (achats, ventes), démontrer le respect de la règlementation en matière de facturation et de TVA, et surtout, démontrer sa capacité à évoluer dans un environnement numérique mouvant.
Finalement, mettre en place un projet PAF vous permettra de revoir votre contrôle interne, limiter les risques d’erreurs discales tout en optimisant votre processus de facturation.
Et rappelons-le, ce dernier touchant à votre trésorerie, il n’est pas à négliger.
4. Inaction : quels sont les risques ?
Comme nous l’avons dit précédemment, les contrôles de l’administration sont de plus en plus fréquents.
Tout défaut lié à la facturation peut entraîner des sanctions qui peuvent représenter un coût certain pour l’entreprise.
A titre d’exemples :
- Rejet des factures achats non conformes et du droit à déduction de TVA associé
- Application de pénalités formelles pour les ventes sans facture (5% lorsque la transaction est comptabilisée avec un plafonnement à 37.500 euros, et 50% avec un plafonnement à 375.000 euros lorsque ce n’est pas le cas)
- Non production de documents originaux (150 euros par document)
- Application d’une pénalité de 15 euros par omission ou inexactitude relevée dans les factures (dans la limite de 25% du montant de la facture visée)
- Erreurs dans les traitements TVA et les déclarations associées
Malgré l’existence de sanctions liées à un défaut de PAF ou toute anomalie dans le processus de facturation et de TVA qui ne saurait être révélée, le risque principal réside dans un contrôle interne mal ficelé et non maîtrisé.
Plus vous attendrez à piloter votre contrôle interne, plus vous prendrez le risque de perdre le contrôle de votre entreprise.
S’atteler à rédiger, même si vous êtes une TPE, votre procédure PAF est un premier pas vers un pilotage réussi.
5. Notre vision 360° de la PAF
Vous l’aurez compris, l’objectif de la PAF est de documenter l’ensemble du processus de facturation d’une entreprise, tout en s’assurant que les contrôles mis en place sont réels.
La documentation qui en découle et les contrôles associés sont proportionnels à la taille de l’entreprise et la complexité de son environnement.
Pour parvenir à la rédaction d’une documentation suffisante5, il convient d’effectuer un audit du contrôle interne suivant 6 étapes qui nous paraissent indispensables à la mise en place de votre PAF :
Step 1.
Mener des entretiens avec les services achats, business et comptables
Avec chaque responsable de département, il est nécessaire de mener des entretiens appuyés par un guide méthodologique et de sonder leur organisation dans la production et le traitement de l’information.
Step 2.
Auditer et recenser les contrôles de la PAF existants
A cette étape, il est nécessaire de lister tous les contrôles internes existants et d’en vérifier la conformité avec la documentation PAF éventuellement déjà rédigée.
Step 3.
Cartographier les processus
Expliquez comment la facturation est produite, acheminée ou traitée, du côté fournisseurs comme du côté clients.
A fois qu’un processus est identifié, il convient de déterminer les flux financiers entrants et sortants. Vous pouvez également réfléchir à l’optimisation de ces processus avec corrections immédiates. A cette étape, vous aurez également déterminé comment les informations sont gérées et stockées.
Step 4.
Contrôler les documents associés aux processus
Pour chaque processus, vous devez associer et formaliser les flux financiers ou les échanges qui en découlent avec les bons documents.
Pour chaque document retenu, il est nécessaire de s’assurer qu’il :
- est conforme
- est adressé à la bonne personne, au bon moment
- ne fera pas l’objet d’un double traitement
- correspond à une opération économique, comptable et financière réelle
A ce stade, vous vous assurez que les éventuels risques (e.g. liés à des défaillances dans le système de facturation) sont pris en compte, identifiés et maîtrisés.
Step 5.
Synthétiser la PAF
Avant d’entamer la rédaction du document écrit, nous vous conseillons de synthétiser toute votre PAF. Vous vérifierez ainsi que rien n’a été oublié.
Step 6.
Rédiger la documentation PAF
Au terme de toutes les steps d’audit, vous devez être en mesure de rédiger votre PAF, conformément aux attendus de l’administration. Chaque contrôle, chaque flux concernant une transaction, un devis ou une facture doit être étayé.
Les maîtres-mots de votre documentation : authenticité, intégrité et lisibilité.
Vous savez maintenant [quasiment] tout sur les enjeux de la PAF. A l’heure où le pilotage d’entreprise doit être une norme, il est indispensable de challenger votre contrôle interne et donc votre PAF.
Pensez à nous dans la mise en oeuvre de votre PAF mais aussi du testing de votre documentation et la cartographie de vos processus.
Notre seul objectif dans le cadre d’une mission PAF ? Performer votre gouvernance.
Alors, qu'attendez-vous pour mettre en action le chantier PAF dans votre transition numérique ?
Sources bibliographiques
1 Au 1er décembre 2026 : Réception obligatoire pour toutes les entreprises (inclus ME, TPE & PME), Emission obligatoire pour les grandes entreprises et ETI
Au 1er décembre 2027 : Emission obligatoire pour les TPE et PME
Ces dates sont les dates maximum indiquées par le projet de loi de finances pour 2024 et l’amendement n°I-5395 déposé le 17 octobre 2023 par le gouvernement.
2 La règle restera vraisemblablement inchangée : toute entreprise qui émet ou reçoit des factures en B2B qui ne répondent pas aux normes EDI Fiscal, ou avec une signature sécurisée, se doit d’établir une PAF.
3 « Démarche consistant en la mise en place d’un processus continu et intégré, avec la description, d’une façon claire et exhaustive, du cheminement des opérations (flux d’informations, flux financiers), de leur documentation (documents comptables et pièces justificatives) et de leur contrôle », d’après l’administration fiscale.
4 Ces principes doivent être respectés pour toutes les factures qu’une entreprise émet, et ce, jusqu’à la fin de la période de conservation de celles-ci (art. 289 V du CGI).
5 Aucun cadre n’est exigé par l’administration fiscale pour la mise en place de votre PAF.
Sources légales
Article 96 F et suivants de l’annexe III du CGI
Articles L 102 B et suivants du Livre des procédures fiscales